Journal de bord version longue, bons et moins bons coups du voyage

Journal de bord (version longue)

Voici une copie du journal de bord tel que rédigé lors du voyage, sans trop de censure et avec tous les états d'âme...pour les motivés seulement!

Jour 1 : Parc de Belle-Rive (Montréal) à Verchères Température : 15-20ºC, Ensoleillé, vents 10-20 nœuds N-E
Nous sommes finalement partis, aujourd’hui, le 2 mai 2008, pour notre fameux voyage en kayak de mer, à partir de Montréal et jusqu’aux Bergeronnes, près des Escoumins (Côte-nord). Ça s’annonce un beau voyage (environ 14 jours)…nous sommes bien préparés et avons pensé à pas mal tout. Loeiz est guide de kayak alors ça devrait bien se passer. Nous avons chacun un kayak solo (lui un Baffin de Boréal Design, moi un Capella de P&H, une compagnie anglaise). Et nous sommes chargés à capacité…et même un peu plus! Nous avions l’air de vrais tanks en partant tout à l’heure! Et ce départ, il a eu lieu assez tard, vers 15h45. Question de petits pépins pré-départ. Nous avons pagayé pendant près de 2h30 sous un beau soleil, mais un temps venteux. Le départ s’est bien déroulé, et la première heure a été assez facile malgré un vent de face…avec le courant de début mai, nous filions à vive allure! Nous sommes passés devant les grosses raffineries de Montréal-Est, puis sous les lignes à haute-tension qui traversent le St-Laurent, pour finalement arriver à la pointe de l’île. À partir de ce moment, le vent s’est mis de la partie un peu plus sérieusement. Il y a plusieurs petites îles vis-à-vis de l’île de Montréal, ce qui coupe le vent et empêche les vagues de bien se développer. Après la pointe de l’île, par contre, plus de protection. Donc à partir de là, les vagues ont augmenté de volume, et nous y avons mis tout notre petit change, nous arrêtant parfois au sud de petits îlots (vent N-E) question de nous protéger des vagues et reprendre notre souffle. Chargés comme nous sommes, nous ne voulons pas dessaler! Nous avions prévu nous rendre jusqu’à St-Sulpice, après Repentigny, mais quand les vents sont passés à près de 20 nœuds, nous avons prudemment choisi d’aller vers la rive sud du fleuve, où nous avons trouvé un beau petit endroit où dormir près de Verchères. Nous nous sommes arrêtés vers 18h15 et avons fait un feu et bu une petite bière (la seule que nous avons emmené, autant la savourer!) devant le soleil baissant. Nous avons mangé un délicieux repas tout cuit sur le feu et consistant en une crème de carottes avec pain, des darnes de saumon en papillote et des patates au four, puis des pêches en sirop avec tisane…pas pire non? C’est vraiment satisfaisant de tout faire sur le feu…et quand je dis que c’était délicieux, c’est vrai, mais c’est toujours meilleur en camping, sur le feu de surcroît. Et ce soir, devant le feu, j’observe les lumières de Repentigny de l’autre côté du fleuve…et les bras et abdominaux me font un peu mal…alors il est 22h et je vais me coucher.
Jour 2 : Verchères à Sorel (Iles de Sorel) Température : 5-6ºC, Nuageux et pluvieux, vents 10-25 nœuds N-E à S-E
Ce matin, levés à 6h et nous avons mangé rôties, pamplemousse et œufs cuits dur avec café, puis nous sommes partis vers 8h15. Le temps était nuageux et il est vite devenu pluvieux. Le vent de face, ça va toujours, mais le vent de côté comme aujourd’hui, ça tue! Parce que le nez du kayak tend toujours à tourner vers le vent…nous en avons donc forcé un bon coup, puis j’ai pensé à mettre la dérive, ce qui aide grandement en ancrant le derrière du kayak. Nous avons fait une journée de fous, 50 Km, jusqu’à 18h, passant entre autres les grosses usines de Contrecoeur et Sorel, en plus des gros paquebots. Dépassé Sorel, Nous avons traversé vers une île, avec des vagues de 3 pieds, et nous dormons ici, ce soir, sur cette île, protégés par un phare du vent très fort. Nous avons mangé crème de champignons, cuisses de poulet, puis biscuits et tisane…tout ça sur le feu au vent, au froid et à la pluie…pas facile. Et là je me couche car j’ai encore une fois le bras mort!
Jour 3 : Sorel à Nicolet Température : 10-12ºC, Nuageux et pluvieux, vents 10-15 nœuds S-E
Ce matin, levés à 5h30, vent sud-est de 10 à 15 nœuds, donc nous mangeons à l’abri du phare (café, rôties et œufs durs, nous cuisinons sur le réchaud). Nous traversons en diagonale vers la terre ferme, face au vent. C’est assez difficile de faire une traverse en commençant le matin, alors nous avons notre leçon : nous ne dormirons plus sur une île! Après notre traversée, nous avons commencé à longer le bord pour traverser le lac St-Pierre. Il pleut et il ne fait pas très chaud, donc ce sera une journée assez longue. Donc le lac St-Pierre…quelle épreuve! Trop large pour le traverser en plein milieu avec ce vent, nous avons dû longer le bord, et le niveau de l’eau est tellement élevé cette année que tout est inondé! Pas moyen de s’arrêter nulle part, à part un endroit vers 10h30 (Rivière Lavoie) inondé…paysage surréaliste, avec maisons et roulottes inondées. Nous avons pagayé au-dessus de la route jusqu’à arriver à un chalet et accoster à sa galerie pour une pause. Nous avons ensuite repris notre route, pagayant à travers champs de maïs et une érablière…quelle expérience! Le midi, impossible de trouver de la terre ferme, alors nous avons mangé dans nos kayaks. C’est dur pour les jambes de ne pas sortir! Nous avons poursuivi notre journée de peine et de misère jusqu’à la sortie du lac, à St-François (Nicolet), où nous avons accosté juste avant le quai vers 18h et Denise nous a permis de nous installer sur sa pelouse juste à côté du quai. Ouf, toute une journée! Et tous les gens qui venaient virer sur le quai et nous poser des questions, intrigués par les kayaks. Nous avons mangé des pâtes avec une soupe et un verre de vin offert par Denise, qui a d’ailleurs jasé avec nous un bon bout de temps…bien sympathique!
Jour 4 : Nicolet à Deschaillons Température : 15-16ºC, Ensoleillé, vents faibles du S-O
Ce matin, levés vers 5h, nous voulions partir tôt, mais pour une raison que j’ignore, quand même partis vers 8h. Une belle journée, soleil et vent faible du sud-ouest. Nous sommes passés sous le pont Laviolette vers 9h, puis avons poursuivi notre route à belle allure. Nous avons mangé sur la rive nord, puis avons finalement décidé de dormir sur la rive sud un peu après Deschaillons. Nous avons terminé notre journée vers 17h et avons mangé saucisses et choucroute sur le feu. Une chose à laquelle nous n’avions pas réfléchi, par contre, c’est que les marées commencent en bas de Trois-Rivières, et donc sur notre petite plage, la marée a commencé à monter, et monter, et…monter de plus en plus vite, ce qui fait que vers 20h, branle bas de combat, nous montons la tente en haut de la falaise, et attachons les kayaks solidement au bas de la falaise, après des arbres. Nous avons regardé la marée monter jusqu’à 22h30, et puis, un peu stressés, nous avons quand même décidé d’aller nous coucher (faut bien dormir un peu!). C’est toujours difficile quand on ne sait pas du tout jusqu’où la marée va monter! Donc ce qui s’annonçait comme une belle petite soirée tranquille sur la plage s’est vite transformé en une nuit à dormir dans le doute à savoir jusqu’où cette foutue marée allait monter!
Jour 5 : Deschaillons à Neuville Température : 12-15ºC, Ensoleillé, vents faibles du S-O
Ce matin, je me suis levé vers 6h, par un beau soleil, et les kayaks étaient toujours là et n’avaient pas bougé…ouf! Nous nous sommes payés un succulent déjeuner sur le feu (pitas muesli sur le feu avec fromage St-André, pamplemousse et café). Puis nous sommes partis par temps assez calme avec la marée baissante. Nous avons filé à belle allure toute la journée, et vers 16h, nous sommes arrêtés juste avant la marina de Neuville pour nous ravitailler en eau et cigarettes (Loeiz). J’ai jasé un peu avec les gens pendant que Loeiz était parti au dépanneur, ils ont rempli nos bouteilles d’eau et nous ont suggéré des endroits où dormir. Nous avons ensuite poursuivi notre route une bonne heure pour profiter de la fin de la marée baissante, puis avons établi notre campement bien en hauteur environ à 6 Km de la marina à une réserve d’oiseaux du coin. Nous avons monté nos kayaks aussi haut que possible puis avons cuisiné sur notre réchaud sur une table à pique-nique (réserve, alors pas de feu…)…le gros luxe! Nous avons mangé des pâtes, mais comme tout est toujours meilleur en camping, c’était bien bon! Ce soir, j’ai appelé mon père (Conrad) pour lui dire qu’on arriverait dans 2-3 jours à St-Jean-Port-Joli. Nous avons ensuite pris une marche jusqu’au stationnement de la réserve, question de jeter nos déchets. Et puis bon…nous nous sommes couchés vers 21h30.
Jour 6 : Neuville à Berthier-Sur-Mer Température : 15-20ºC, Ensoleillé, vents 5-10 nœuds de l’ouest
Aujourd’hui, encore du beau temps, avec un vent de l’ouest de 5-10 nœuds, ça devrait filer pour notre entrée à Québec! Départ à 8h, avec le fameux pont de Québec en vue très loin devant. Je me dis que nous y serons vers 10h, Loeiz, lui, plus lent le matin, croit plutôt que nous y serons à midi…nous verrons bien! Nous nous arrêtons sur les berges avant Cap-Rouge, avec de superbes petites cascades tombant des falaises…très beau spectacle! Sauf que le vent souffle de plus en plus fort (O N-O) et ça devient du sport de garder la direction. Nous rencontrons le premier kayakiste de notre voyage et le saluons au passage. Vers 10h30 finalement, nous passons sous le pont, en radeau (2 kayaks collés ensemble) car le courant est très fort. Puis, à l’est du Pont de Québec, surprise, de petits rapides que l’on devra négocier avec des kayaks de mer remplis…c’est du sport! Je surfe sur les vagues, tente de garder la ligne, comme en rivière, puis pagaie très fort pour atteindre le contre-courant et prendre une pause…qui sera de courte durée car le courant nous ramène en arrière, vers le pont! Donc nous reprenons le centre du fleuve, le courant, et nous filons vers la pointe de Lévis, face au Château Frontenac. En route, nous rencontrons un bateau de police de la garde-côtière, qui ne nous intercepte pas par contre. Nous dînons sur la pointe en jasant avec des passants sur la piste cyclable juste derrière, qui semblent tout étonnés de notre périple depuis Montréal. Puis nous repartons du côté sud de l’île d’Orléans. Nous y atteignons nos vitesses les plus rapides à date, et nous filons, nous filons…presque jusqu’au bout de l’île, juste en face, à la Pointe St-Vallier, un superbe lieu de conservation où nous terminons notre journée après 70 Km de route…ouf! Par contre, la mer est basse et l’estran (zone de boue à marée basse) très long, donc nous patientons sur la plage et rapprochons nos kayaks à mesure que la marée monte pour éviter d’avoir à les soulever…ils sont hyper lourds! Ce soir-là, je vais chercher de l’eau à une maison à 15 minutes de marche de là, et puis nous relaxons devant le feu…belle soirée, mais ça s’ennuage et on dirait que la pluie arrive. On verra demain.
Jour 7 : Berthier-Sur-Mer à L’Anse-À-Gilles Température :10ºC, Pluie forte, vents Est 15-25 nœuds devenant Ouest 10-20 noeuds
Si il faut une mauvaise journée de temps en temps, celle-ci en vaut bien 2! Ce matin, je me lève à 5h30 et il vente de l’est à écorner les bœufs, et en plus la pluie s’abat férocement sur la tente depuis 21h hier soir…belle façon de commencer la journée! J’écoute la météo et ils disent que le vent va tourner ouest de 10-20 nœuds fin AM. Vers 6h je me lève pour vrai et vais partir le feu au vent et à la pluie (nous avions pensé mettre un peu de bois au sec hier soir mais malgré tout, ça me prendra tout mon petit change pour le partir!). Loeiz, lui, fait la grasse matinée (pourrait-on le blâmer par un temps pareil?) et ne se lève que vers 7h30. Je fais le café et des céréales red river chaudes avec fruits séchés, tout ça sur le feu! Vers 9h, nous nous décidons à partir, en entrant dans la baie de Berthier le plus possible pour éviter le vent de face. Se rendre au fond de la baie est pénible, mais une fois rendus, le vent commence à tourner alors ça devient plus facile un peu. Un nouveau problème par contre. : le manque de profondeur dans la baie de Montmagny nous force à rester loin au large (2-3 Km) avec le vent de plus en plus insistant de dos. Et quand nous commençons à remonter la côte vers le nord vers la pointe de Cap-St-Ignace, avec 2 pieds de profondeur et un vent de 15-20 nœuds de côté, c’est l’enfer…même pire que ça! Nous ne cessons de faire des coups circulaires de la gauche pour garder notre ligne, mais presque en vain! Vers 15h, complètement exténués, nous atteignons le quai de l’Anse-À-Gilles, et nous décidons d’arrêter car ça devient risqué. Mais la mer est basse et la baie pleine de boue, alors nous marchons avec de la boue jusqu’aux genoux en tirant les kayaks sur une bonne distance avant d’arriver au bord. Bienvenue sur la Côte-sud! Nous quémandons un bout de pelouse à Jerry et Anne-Marie, qui habitent juste à l’ouest du quai. Pas de problème, et ils s’avèrent être très sympathiques! Jerry nous offre une chaise de camping et une bière, puis nous emmène au resto au Cap-St-Ignace où nous engloutissons une immense…poutine! Tellement grosse qu’aux dires de la serveuse qui y travaille depuis 2 ans, nous sommes les premiers qu’elle voit la manger en entier…petite gloire personnelle pour ceux qui, l’espace d’une soirée, retournent dans la civilisation avec une barbe de 7 jours, le visage noirci par le soleil, et aussi…une odeur de 7 jours sans douche! Ensuite, nous retournons chez Jerry (un Albertain en passant), nous buvons une autre bière et regardons le soleil se coucher. Sa petite fille, Anaïs, 4 ans et demi, vient nous faire la jasette pendant une bonne demi-heure. Nous nous couchons, brûlés, vers 21h30.
Jour 8 : L’Anse-À-Gilles à St-Jean-Port-Joli (demi-journée) Température : 10-15ºC, Vents de l’ouest de moins de 10 noeuds
Ce matin, nous déjeunons vers 6h30 (café offert par un voisin horrifié de voir que nous avons passé la nuit dehors…), faisons nos adieux à la famille de Jerry, puis c’est le départ direction St-Jean-Port-Joli, mon patelin natal. Nous filons à vive allure, vent d’ouest et marée baissante aidant, et en plus avec la hâte d’arriver chez moi…pour moi, c’est un peu comme la deuxième étape après le Pont de Québec. Nous passons le quai de l’Islet vers 9h, puis arrivons à celui de St-Jean-Port-Joli vers 10h30. Nous faisons une pause là, mais pas de papa ou maman en vue (en fait, j’apprendrai plus tard que Conrad (mon père) attendait au quai de l’Islet à 11h30 dans le but de nous y voir passer…pas très confiant en nos moyens semble-t-il…) et donc nous poursuivons vers l’anse St-Jean (où se trouve notre chalet) où nous arrivons vers 11h30. La mer baisse, on se bat contre le courant pour arriver au fond de l’anse, mais quelle satisfaction…350 Km depuis Montréal…ouf! Une silhouette au loin, je m’approche, c’est Hervé Bernier (un voisin), tout surpris de voir des kayakistes à cette date-ci de l’année…et moi de surcroît! Quand je lui apprend que nous arrivons de Montréal, il passe près de s’évanouir. Puis nous remontons nos kayaks jusqu’au chalet, qui sera notre domicile, puis nous dévorons notre repas. Vers 14h, nous montons vers la maison où mon père et un ami nous attendent. Ce soir-là, nous soupons en famille, puis vers 21h, nous partons nous coucher au chalet, brûlés que nous sommes!
Jour 9 : Jour de congé! Température :15ºC, Vents du Nord Est 15-25 nœuds
Aujourd’hui, jour de congé, je me lève à 6h30 (habitude oblige) et je monte déjeuner avec mes parents. Ensuite, mon père et moi entreprenons de réparer mon vêtement étanche qui ne l’est plus vraiment (le col est déchiré) et la pagaie de bois (qui a décollé du manche). Nous dînons vers midi, toujours pas de nouvelles de Loeiz qui dort au chalet. Vers 13h, je descends au chalet, et il vient de se lever…faut croire qu’il avait besoin de repos! Nous partons faire l’épicerie au village (ravitaillement pour la deuxième partie du voyage). Au total, ça aura coûté environ 260$ de nourriture pour les 15 jours à deux…pas trop mal. Je passe le reste de la journée à nettoyer et remplir mon kayak. Ce soir, nous sommes un peu soucieux…ils annoncent des vents N-E de 15 à 25 nœuds demain, vraiment pas bon pour pagayer, surtout pas pour traverser le fleuve! Nous évaluons les possibilités et allons nous coucher là-dessus.
Jour 10 : Transport de St-Jean-Port-Joli vers Cap-Aux-Oies Température :10-15ºC, Vents du Nord Est 15-25 nœuds
Ce matin, je suis encore plus soucieux : il vente comme prévu. La météo ne semble jamais se tromper dans le bons sens! Pas question de traverser le fleuve, alors quoi? Attendre une autre journée, sachant qu’ils annoncent 15-25 nœuds demain aussi? Partir tranquillement sur la rive sud vers Rivière-du-Loup, où nous pourrions à la limite prendre le traversier avec nos kayaks si la situation ne s’améliore pas dans 2 jours? Finalement, dénouement inattendu : Mon père décide gentiment de venir nous reconduire par la route avec nos kayaks jusqu’à Cap-Aux-Oies, en face sur la rive nord du fleuve. Mon orgueil en prend un coup, j’aurais bien aimé accomplir le trajet sans aide, mais bon…il faut bien piler sur son orgueil parfois! Nous attachons donc les kayaks sur la remorque et partons avec mon père et ma mère, passons par Québec, puis arrivons trois heures plus tard, vers 14h, à destination. Ça va tellement vite en auto, nous ne sommes plus habitués à ça! À Cap-Aux-Oies, nous campons sur un terrain privé désert juste derrière la voie ferrée, près de la plage. Ce soir, nous mangeons du spaghetti avec sauce tomate et parmesan sur le feu, puis allons prendre une longue marche sur la voie ferrée qui longe le fleuve. Nous nous couchons vers 21h, sans avoir pagayé aujourd’hui, à notre grand désarroi.
Jour 11 : Cap-Aux-Oies à Cap Sain, avant Pointe-Au-Pic Température :10-12ºC, Vents du Nord Est 15-25 nœuds
Ce matin, nous nous levons assez tôt, comme toujours…nous avons hâte de partir! Par contre, il vente pas mal (15-25 nœuds N-E), mais nous partons quand même. Déjà, passer le premier cap (cap de la corneille) s’avère périlleux, avec des vagues croisées de 1 à 1.5 mètres de haut. Nous poursuivons, mais juste avant la Pointe du Père, nous décidons d’accoster parce que les vagues et le courant à la pointe semblent vraiment trop forts. Nous accostons à côté de filets de pêche à Caplan (un petit poisson qui ressemble à l’éperlan), et le vieux pêcheur qui les exploite, Noël, accourt pour nous y accueillir. Il doit bien avoir 80 ans, et je me demande futilement si la pointe (du père) n’a pas été nommée en son honneur. Vu que nous sommes en vêtement étanche, il nous demande de déprendre ses filets de l’emprise des débris au fond de l’eau, ce que nous faisons avec plaisir. Il semble bien intrigué par nos vêtements étanches (dry suit) et semble vouloir en faire l’acquisition. Je ne lui parlerai pas de prix pour ne pas le décevoir. En échange de nos bons services, il nous propose de transporter nos kayaks sur son vtt de l’autre côté de la pointe, ce que nous acceptons sans hésiter (de son propre aveu, les kayaks qui s’y aventurent rebroussent habituellement chemin, car il y a trop de courant). Arrivés de l’autre côté, nous nous installons pour repartir, mais mon kayak se remplit d’eau à cause des grosses vagues, alors je dois tout vider avant de repartir. Ce second départ sera de bien courte durée : après 200m, alors que nous approchons de la Pointe du Sac (?), les vagues nous découragent (quasiment 2m de haut, on ne se voit presque plus l’un et l’autre)…en expédition, vaut mieux ne pas dessaler, alors nous rebroussons chemin vers notre petite plage de la Pointe du Père. Nous y passons 4-5 heures en attendant que le vent se calme un peu. Nous en profitons pour aller scruter les baies voisines en passant par la voie ferrée. Ça fait du bien de se dégourdir les jambes un peu! C’est là aussi qu’on se rend compte qu’en expédition, il faut parfois prendre son mal en patience, car on peut rester coincé à un même endroit longtemps par le mauvais temps!
Puis, vers 14h, il vente toujours, mais de la rive, les vagues nous semblent un peu moins menaçantes. Nous repartons donc, et la prochaine heure ne sera pas de tout repos…grosses vagues de côté, courant, tout y est, mais nous parvenons finalement aux environs de St-Irénée, où nous sommes un peu plus à l’abri des intempéries. Nous poursuivons jusqu’à environ 17h, et nous arrêtons pour la nuit près du Cap Sain, un peu avant Pointe-Au-Pic. C’est parfois difficile de trouver un campement quand on n’a rien prévu d’avance. Ici, il y a des parois rocheuses, pas vraiment de plage, et une voie ferrée. Nous entrevoyons une petite parcelle de terre surélevée qui se détache, signe d’un emplacement potentiel pour camper. Une fois sur la rive, par contre, c’est une autre histoire : nous ne trouvons que 2 sites potentiels, une petite cache de chasseurs avec sol en roche (!) et un endroit tout juste 6 pieds à l’écart de la voie ferrée, mais avec un sol plus propice. Nous optons pour le second, car nous croyons que la voie ferrée n’est pas vraiment utilisée, n’ayant pas vu de train y passer en 48 heures. Je doute un peu, mais Loeiz, toujours aussi calme, semble confiant. Ce soir, juste avant le souper, grande déception : le sac étanche que j’ai derrière mes cale-pieds a pris l’eau salée quand mon kayak s’est rempli, et ma frontale neuve, ma trousse de premiers soins et quelques autres choses sont kaput! Une petite erreur qui vient de me coûter 150-200$! Je passe la soirée à maugréer là-dessus, mais ça finit par passer.
Nous nous couchons vers 21h, et vers 22h30, j’entend un bruit de moteur. Je lève la tête…rien. Puis, deux phares au loin, je fixe, je réfléchis : un train! En panique, je m’habille, réveille Loeiz, puis sort alors que le train s’en vient droit sur nous. Il fait entendre sa sirène plusieurs fois, puis passe juste à côté de notre tente (4-5 pieds max). La tente penche à cause du vent créé par le train. Après 10-15 wagons, Loeiz sort de la tente, incrédule. Sacré Loeiz, toujours aussi lent! Le train passé, nous reprenons nos esprits, puis déménageons nos pénates dans la cache de chasse…le sol très inconfortable nous fera passer une nuit terrible. Mais au moins, le train peut passer tant qu’il veut!
Jour 12 : Cap Sain à l’Anse au Bâtiment Température :15-18ºC, Vents de direction variable de moins de 10 nœuds
Ce matin, la météo semble finalement vouloir pencher un peu en notre faveur, pour se faire pardonner les 4-5 derniers jours de grands vents. Vents de direction variable de moins de 10 nœuds…ce message est très doux à nos oreilles, même venant de la voix monocorde de monsieur météo! Nous déjeunons et partons à 8h, malgré que la marée soit encore montante pour encore 3 bonnes heures (donc courant dans la face). En longeant le bord, nous trouvons presque toujours des contre-courants où il est plus aisé de pagayer. Nous atteignons d’abord le quai de Pointe-Au-Pic, dominé par le manoir Richelieu (casino de Charlevoix), puis, après une pause, nous entamons la traversée de la baie de la Malbaie jusque vis-à-vis du Mont Murray, soit une distance de peut-être une dizaine de kilomètres. Il fait beau, le temps est calme, alors nous pouvons nous permettre de passer loin au large. Mais le clou de cette traversée, c’est que pendant la majorité des 2 heures que nous mettons à la franchir, nous sommes escortés par un banc d’une bonne vingtaine (facilement) de bélugas, c’est bien simple, il y en a en permanence au moins 2 ou 3 entrain de respirer à la surface…quel spectacle! Et Loeiz et moi avons chacun un petit (petit?) qui nous suit à moins de 10m derrière notre kayak. Même que parfois ils nous donnent la trouille, surtout quand l’un d’eux ressort sa queue et plonge à moins d’un mètre derrière mon kayak. Puis, soudain, nous ne les voyons plus…ils ont dû se faire avertir par leurs parents de ne pas trop flirter avec les étrangers!
Nous poursuivons notre route, puis, vers midi, au large du Cap St-Fidèle, nous entendons un bruit de moteur approcher. Je me retourne et qui ne vois-je pas? Conrad, venu de l’autre côté du fleuve en zodiac, faire un petit tour et me porter le pain que j’avais oublié à la maison…belle surprise! Nous jasons un peu, amarrés à son zodiac, puis partons sur la rive chercher un endroit où pique-niquer alors que lui retourne vers St-Jean. Le reste de la journée se déroule sans embûches, et nous croisons de superbes endroits (Port au Saumon, Port au Persil, puis le Cap de la Tête au Chien). Nous terminons la journée en nous arrêtant dans une superbe petite baie refermée, l’Anse au Bâtiment. Elle doit faire 200m de long et est divisée en deux par une rivière…mais pas de trace de quelconque bâtiment! En tout cas, un endroit paradisiaque, si seulement il faisait quelques dizaines de degrés de plus! Nous cuisinons une fois de plus sur le feu (tournedos), puis nous couchons sur un rocher plat, le seul endroit potable que nous avons trouvé pour dormir.
Jour 13 : Anse au Bâtiment à Tadoussac Température :15-20ºC, Ensoleillé, vents faibles devenant d’Est de 10-20 nœuds
Pas si potable que ça, le site de camping, finalement! Nous avons passé la nuit à tourner d’un côté puis de l’autre pour tenter de trouver un brin de confort, mais en vain…j’ai dû dormir max. 2 heures! Au moins, nous n’avons pas une énorme journée de prévue aujourd’hui : nous voulons nous rendre à Tadoussac, qui se trouve à une trentaine de kilomètres. Le vent ne souffle pas trop fort, ce qui aidera. Nous partons vers 9h (nous partons de plus en plus tard parce que la marée est haute de plus en plus tard chaque jour…mieux vaut ne pas trop se battre contre elle). Le paysage est superbe, surtout dans la Baie des Rochers, où nous faisons une petite incursion. Puis, à un certain moment, nous décidons de prendre le large et de piquer directement sur la Pointe au Bouleau, juste avant Baie Ste-Catherine, à l’embouchure du saguenay. Ça prend du temps (plus nous nous fixons des objectifs loin, plus ça paraît démesurément long) et le vent se lève un peu, mais nous y parvenons. Puis arrivent les fameuses battures de la Baie Ste-Catherine (Battures aux Alouettes), qui font qu’on a à peine 2 pieds de profondeur même à 1 Km au large.
Nous arrivons à la Pointe à Vital, nous voyons le traversier du Saguenay et l’hôtel Tadoussac de l’autre côté, et nous nous préparons mentalement à traverser le Saguenay. Ça peut paraître simple, mais ce ne l’est pas. Déjà, il y a le courant naturel du Saguenay qui nous déporte vers le large. En plus, nous sommes dans les 3e et 4e heures de la marée descendante (les heures durant lesquelles la marée est la plus forte), ce qui fait que le courant au centre du Saguenay doit être à ce moment de 6-7 nœuds (12-13 Km/h). Ajoutez à cela le vent : celui qui semble venir du Saguenay, et celui qui, soudain, arrive du large et se met à souffler à 15-20 nœuds! Mélangez tout ça et vous arrivez à une des épreuves les plus ardues auxquelles j’ai eu à faire face dans ma vie. Une journée de courrier à vélo dans la grosse slush, à côté de ça, c’est de la p’tite bière! Donc disons que le début de la traversée s’est bien déroulé : nous faisions un back et gardions le cap. Sauf que le Saguenay, ça a au moins 2 Km de large. Au milieu, le courant et le vent se sont accrus, les vagues sont devenues pour le moins énormes…et j’ai donné tout ce que je pouvais. Rien à faire, nous nous faisions déporter vers le large bien plus vite que nous ne traversions. La cible est vite passée de l’hôtel Tadoussac à la pointe de la plage, puis aux dunes de sable. Surtout, il fallait éviter de nous faire déporter au large vers les bancs de sable, où nous serions restés pris de longs moments.
Finalement, après un effort suprême (c’est pas des farces), nous avons abouti sur la plage au bas des dunes de sable, à près de 2 Km de notre cible initiale. Je me suis reposé sur la plage un bon 20 minutes, avant de remonter tranquillement le Saguenay en longeant la côte pour nous rendre dans la baie principale, où nous avons établi notre campement. Ouf, quelle aventure! Ce soir, à Tadoussac, nous nous sommes payés un luxe (civilisation oblige): une grosse Kilkenny avec un chips au ketchup. Nous avons mangé nos saucisses grillées sur le feu, puis avons dormi sur la plage, à la belle étoile.
Jour 14 : Tadoussac à Pointe Sauvage (Petites Bergeronnes) Température :12-15ºC, Ensoleillé, vents du N-O de 10 à 25 nœuds
Encore mal dormi…une plage, c’est en pente, non? Eh bien j’ai l’impression d’avoir passé la nuit à courir après mon tapis de sol tellement je glissais! Peu importe, ce matin, nous ne sommes pas pressés, la marée n’est haute que vers midi, alors nous pouvons relaxer. Je me lève quand même vers 6h, et en profite pour aller marcher et prendre des photos. Le voyage achève, on le sent, et le rythme ralentit aussi. Nous déjeunons tranquillement et partons vers 11h30. Notre objectif aujourd’hui n’est que de 15 Km pour se rendre à Pointe Sauvage, à l’embouchure de la rivière des Petites Bergeronnes. Le vent nous complique la tâche, alors nous devons parfois nous arrêter sur une plage pour reprendre notre souffle. En cours de route, nous voyons sur la berge une maman ours accompagnée de ses 3 petits oursons : beau spectacle, mais nous allons quand même garder nos distances et se choisir un autre endroit pour dîner. Nous arrivons à la Pointe Sauvage vers 16h, alors que le vent du nord-ouest commence à souffler et que la pluie débute. Cette pointe est très exposée, couverte uniquement d’herbe. Nous installons la tente sur le dessus de la pointe, à l’abri du seul rocher présent, et nous allons du côté est pour cuisiner, à l’abri de la falaise et donc du vent. Il pleut très fort, alors nous montons la bâche pour la première fois du voyage. Ce soir, sur la pointe, c’est un peu le déluge : orages avec vents N-O de 35 nœuds facilement. Vers 20h, tout se calme un peu, et nous voyons même un arc-en-ciel : belle manière de terminer la journée!
Jour 15 (jour ultime) : Pointe Sauvage à Grandes Bergeronnes Température :15ºC, Ensoleillé, vents faibles de l’est
Aujourd’hui, jour ultime, il ne nous reste qu’une dizaine de Km avant d’arriver à notre destination, l’Anse à la Cave, aux Grandes Bergeronnes. Il fait beau soleil, le vent s’est calmé, donc pas de problème en vue. Nous levons le camp vers midi, question de marée encore une fois, et le reste se déroule sans encombre jusqu’à ce que nous accostions au quai de l’Anse à la Cave vers 14h30. Nous aurons mis un peu plus de 14 jours (12 à pagayer) pour parcourir les quelques 500 Km de Montréal jusqu’aux Bergeronnes.
Les bons coups du voyage
  • Côté bouffe, nos coups de cœur sont les saucisses sur le feu avec la choucroute, les pitas muesli avec fromage le matin, et les sous-marins préparés d’avance le midi (ils se gardent jusqu’à 4 jours).
  • La cuisson sur le feu : permet d’emmener beaucoup moins de combustible (nous en avons utilisé seulement 3 litres en 15 jours)
  • Une grille pour la cuisson sur le feu, et une paire de gants de travail pour manœuvrer
  • Avoir un ‘camelback’ sur le pont du kayak : permet de boire plus facilement
  • Avoir prévu des grosses journées entre Montréal et Québec, question de prendre ça plus relaxe vers la fin
  • Les kayaks en plastique (très résistants) plutôt qu’en fibre de verre : on les a traînés pas mal sur la roche, et les fibre de verre n’auraient probablement pas aimé ça
  • Se servir de la marée, ça aide pas mal à avancer
  • Se coucher tôt et partir tôt le matin, car il vente généralement moins à ce moment-là

Les moins bons coups du voyage

  • Côté bouffe : faire des crêpes sur le feu : ça cuit trop fort et on se fait emboucaner; les patates sur le feu : ça brûle plutôt que de cuire; les crèmes de champignon et d’asperge en poudre : ne se mélangent pas bien
  • Amener du plus vieux linge la prochaine fois (quand on cuisine sur le feu, on finit par faire des trous dans tous nos vêtements)
  • Le sac étanche qui prend l’eau : toujours vérifier son matériel 3 fois plutôt que 2 avant de partir
  • Dormir sur une île : le lendemain, si il ne fait pas beau, on est prisonnier de l’île
  • Certains choix d’emplacement de tente (voie ferrée en particulier)
  • La traversée du Saguenay : doit se faire sans trop de vent et à marée montante
  • Arriver au site de campement lorsque la mer est basse : un kayak de mer plein, c’est lourd à transporter sur 100m!
  • Le choix de prévoir une traversée du fleuve : ça ne se fait que par temps calme, ce qui est assez rare en certains endroits

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